Le fonctionnement du Groupement hospitalier de territoire (GHT) est centré sur un établissement support, chargé de gérer des activités mutualisées pour le compte de ses membres. La mise en place des GHT supposera le déploiement d’une approche collaborative entre établissements en vue de mettre en oeuvre un système d’information Achats.
Le nouvel article L. 6132-3, I du code de la santé publique énonce que « l’établissement support désigné par la convention constitutive assure […] pour le compte des établissements parties au groupement […] la fonction Achats […] ». Le projet de décret portant sur les GHT insère au code de la santé publique un article R. 6132-16, libellé de la façon suivante :
« I. La fonction Achats comprend les missions suivantes :
- L’élaboration de la politique et des stratégies d’achat de l’ensemble des domaines d’achat en exploitation et en investissement ;
- La planification et la passation des marchés ;
- Le contrôle de gestion des achats ;
- Les activités d’approvisionnement, à l’exception de l’approvisionnement des produits pharmaceutiques.
II. Un plan d’action des achats du Groupement hospitalier de territoire est élaboré pour le compte des établissements parties au Groupement hospitalier de territoire. »
Sans prétendre à l’exhaustivité, plusieurs questions se posent tant sur le plan interne au GHT que sur le plan externe.
Les interrogations induites sur le plan interne…
Si, sous réserve de l’adoption définitive du décret en l’état, le périmètre formel de la fonction Achats est délimité, tel n’est pas le cas du périmètre matériel. En d’autres termes, s’agit-il, pour tous les établissements membres d’un GHT, de confier à l’établissement support l’ensemble de leurs achats (prestations, fournitures courantes et services, travaux…) ou bien est-il envisageable d’en conserver une partie ?
La question est d’autant plus importante que, par exemple, les contrats de concession de licence d’utilisation d’un logiciel et les contrats de maintenance relèvent des marchés publics des techniques de l’information et de la communication ou, à défaut, des marchés de fournitures courantes et services, qu’on peut ranger dans la catégorie des achats en exploitation. Il s’agit, en tout état de cause, d’ériger une cellule des marchés au sein de l’établissement support, ce qui aura pour effet de supprimer celle des établissements membres, conformément au mécanisme légal de délégation de compétences. Sur le plan pratique, il s’agira d’harmoniser les processus des différents établissements membres d’un même GHT (profil acheteur, modalités de passation des marchés, recensement des besoins, demandes d’achat internes, etc.) ainsi que les référentiels utilisés (base unique des marchés, fournisseurs, produits, imputations comptables, utilisateurs, etc.).
Le code des marchés publics distingue différents types de groupements d’achats : – Les groupements « simples », dans lesquels le coordonnateur se borne à mettre en oeuvre les procédures de sélection des attributaires, chaque membre du groupement signant ensuite les marchés correspondant à ses besoins ; – Les groupements « intégrés », dans lesquels le coordonnateur conclut les marchés et, le cas échéant, veille à leur exécution au nom de l’ensemble des membres du groupement.
L’établissement support, désigné par convention constitutive du GHT, se situerait à mi-chemin entre ces deux options dès lors qu’il signerait les marchés au nom et pour le compte des établissements membres, ces derniers conservant la responsabilité de l’exécution de leurs propres marchés (cf., par analogie, la décision n° 249853 du Conseil d’État du 9 juillet 2003 concernant l’affaire Sipperec). L’établissement support serait susceptible de voir sa responsabilité engagée du fait des irrégularités de la procédure de passation du marché en cause (cf., par analogie, la décision n° 11BX01620 de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 12 juillet 2012).
… et sur le plan externe
La mise en oeuvre des GHT ne va-t-elle pas aboutir à concurrencer des organismes, tels que l’UniHA (Union des hôpitaux pour les achats) ou l’Ugap (Union des groupements d’achats publics) – dans sa partie médicale et hospitalière –, sans compter les nombreux autres groupements et centrales d’achats ? Cette concurrence ne posera pas de difficultés si elle s’opère de manière loyale. Seul l’avenir nous le dira.
L’application du décret dans le temps suppose, en principe, que les marchés en cours soient épargnés par la mise en oeuvre de la réforme qui doit être progressive. L’absence de dispositions transitoires au sein du décret permet de le penser. Les éditeurs ont sans doute une carte à jouer en proposant une solution permettant l’organisation d’un véritable système d’information Achats propre à chaque GHT.
L’auteur
Me Omar YAHIA
SELARL YAHIA Avocats
Barreau de Paris