Depuis leur création, les groupements hospitaliers de territoire (GHT) connaissent schématiquement trois périodes : l’an I correspond au découpage administré et accéléré en 135 GHT. L’an II se résume grosso modo à leur construction au gré des dynamismes locaux, avec des résultats en demi-teinte. L’an III, c’est celui de la maturité, soit la reconstruction d’une offre graduée avec une vision transversale. Mais c’est aussi celui de tous les dangers.
Ils se caractérisent par une variation de taille considérable
Il suffit, pour s’en convaincre, d’examiner les deux extrêmes : le GHT Limousin concentre 19 établissements et il couvre, à lui tout seul, les 3 départements de l’ancienne région du même nom. À l’inverse, 3 GHT ne comptent qu’un seul établissement hospitalier : par exemple celui de Haute-Saône (formé de la réunion de 3 anciens CH de Vesoul, Lure et Luxeuil). Les effectifs varient de 1.200 à 26.000 agents.
En les créant, le législateur a poursuivi trois objectifs : un objectif principal de santé publique et deux objectifs secondaires de rationalisation économique et d’organisation régionale. C’est en substance la teneur de l’article 107 de la loi du 26 janvier 2016.
Les GHT sont-ils une innovation majeure dans le paysage sanitaire ?
Cette interrogation appelle une réponse nuancée. Certes, il s’agit de la réforme la plus structurante depuis ces 40 dernières années mais cette création souffre de nombreux défauts de constitution et limites.
Citons quelques défauts
Ils ne sont pas dotés de la personnalité morale, ce qui en réduit singulièrement leur intérêt. Les textes en vigueur ne prévoient pas d’association possible entre les GHT et la médecine de ville, ce qui constitue une régression. Ils succèdent à des formes de groupements, de coordination ou de coopération qui ont existé et qui, même si elles ont connu des destins éphémères, n’en ont pas moins constitué des avancées importantes en leur temps.
Les limites méritent d’être relevées
En premier lieu, le T des GHT pose question. Malgré leur nom, ils ne sont pas établis par et pour un territoire mais par un regroupement (plus ou moins) volontaire d’établissements.
En deuxième lieu, la loi ne leur a pas confié la responsabilité de desservir un territoire. Ainsi des « trous dans la raquette » peuvent apparaître sur la carte qui constituent de fait des ruptures dans la continuité territoriale de l’offre publique de soins.
En troisième lieu, seuls les établissements publics sont concernés. Comment leur assigner « le but d’assurer une égalité d’accès à des soins sécurisé et de qualité » s’ils ne représentent pas la totalité de l’offre de soins ?
En quatrième lieu, ils s’inscrivent dans une temporalité hétérogène. Si, en effet, des dates ont été prévues pour leur constitution, le dépôt de tel ou tel de leurs éléments, la loi ne fixe pas de calendrier d’évaluation ni n’en décide le principe. Or, ce qui n’est pas évalué au mieux végète et souvent s’abîme. Cette évaluation devrait porter sur les résultats attendus, à savoir l’amélioration du service rendu aux patients.
En cinquième lieu, on peut s’interroger sur l’absence d’accompagnement des usagers et de leurs représentants. Que savent-ils vraiment des GHT ? Disposent-ils seulement d’outils leur permettant de juger de la pertinence de ce modèle ?
En somme, les GHT représentent une opportunité historique pour le service public hospitalier, à condition d’en corriger les défauts. Le premier de ces défauts, c’est qu’ils ne sont pas toujours bien constitués parce qu’ils ont été formés très (voire même trop) rapidement. Il importe que la réunion d’établissements ne couvre pas un territoire artificiel mais au contraire respecte les territoires vécus par les patients et par les soignants.
En somme, le GHT est une bonne idée dont la réussite ou l’échec dépendra de sa mise en œuvre.
L’auteur :
Par Me Omar Yahia
SELARL YAHIA Avocats
Barreau de Paris