Risques médicamenteux : la haute juridiction de l’ordre administratif précise l’obligation d’information des centres hospitaliers !

26 Mar 2019

Par un arrêt du 18 mars 2019 (n° 418458), le Conseil d’État vient de préciser l’obligation d’information des centres hospitaliers en matière de risques associés à un traitement médicamenteux.

En résumé, il a jugé qu’un établissement n’est pas condamnable en cas de manquement à cette obligation, si ce manquement n’est pas à l’origine d’une perte de chance d’éviter d’éventuels préjudices à indemniser.

Quels étaient les faits ?

Dans cette affaire, une mère séropositive au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) avait été suivie pendant sa grossesse au centre hospitalier de Niort, et avait accouché, le 21 février 2001, d’un enfant, qui, à mesure que sa scolarité avançait, présentait des troubles du comportement de plus en plus sévères.

Dans une lettre du 04 juin 1999 adressée à l’ensemble des médecins en activité, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé – devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) – avait demandé que les femmes séropositives au VIH soient informées du fait que l’absorption de médicaments antirétroviraux pendant la grossesse exposait l’enfant à naître à un risque accru de développer des atteintes mitochondriales provoquant des troubles neurologiques.

Or, en l’espèce, il était indéniable que le centre hospitalier de Niort, qui avait connaissance de ce que la mère prenait un traitement antirétroviral en raison de sa séropositivité au VIH, n’établissait pas avoir délivré à l’intéressée une telle information.

C’est sur ce fondement que cette patiente a souhaité obtenir la réparation des préjudices découlant de l’autisme de son fils. Pour ce faire, elle a saisi le Tribunal administratif de Poitiers, d’une requête tendant à la condamnation du centre hospitalier de Niort.

Le 16 juillet 2015, le Tribunal a rejeté sa demande sur la base de deux expertises confiées à un psychiatre et un neurologue.

Mais, pugnace, la requérante a interjeté appel du jugement devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, qui, par un arrêt du 28 décembre 2017, l’a également débouté de sa demande.

En dernier lieu, le Conseil d’État a rejeté son pourvoi en cassation, car au vu des conclusions de l’expert neurologue qui avait examiné l’enfant, il ressortait que :

  • D’une part, les troubles autistiques manifestés par celui-ci ne permettaient pas de caractériser une maladie mitochondriale ;
  • D’une part, il n’était pas établi que la prise de médicaments antirétroviraux pendant la grossesse aurait exposé l’enfant à naître à un risque accru de développer de tels troubles autistiques.

La haute juridiction de l’ordre administratif en conclut :

« En déduisant de ces éléments que le manquement du centre hospitalier à son obligation d’information n’était pas à l’origine d’une perte de chance d’éviter les préjudices dont la réparation était demandée, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ».

C’est ainsi que désormais, il appartient au patient s’estimant victime d’un manque d’information sur les risques liés à la prise d’un médicament, d’apporter la preuve d’une « perte de chance d’éviter un préjudice », pour que le centre hospitalier à l’origine de ce manquement soit condamné.

C’est donc avec attention que nous suivrons les jugements prochainement rendus par les tribunaux administratifs, lesquels seront chargés d’avoir une application concrète et pragmatique de cette notion de perte de chance soulignée par le juge de cassation dans ce nouvel arrêt de principe.

CE, 18 mars 2019, n° 418458, CH Niort, Publié aux Tables

 


L’auteure :

Me Noémie Mandin
SELARL YAHIA Avocats

 

Share This