Article paru dans www.sante-rh.fr
Quelques chiffres permettent de mieux comprendre l’importance du contrôle et du contentieux URSSAF en France. Les 22 URSSAF régionales (plus les quatre CGSS dans les DOM, une CCSS en Lozère) diligent chaque année 85.000 vérifications, soit presque trois fois plus que l’administration fiscale. Neuf contrôles sur dix se terminent par un redressement cependant que 27% des employeurs seulement contestent les résultats de leur contrôle.
Sans prétendre à l’exhaustivité, les contrôles peuvent par exemple porter, au sein des établissements publics de santé, sur les primes diverses, l’assiette du versement de l’indemnité de transport, les avantages en nature de type logement de fonctions et/ou nourriture, la réduction des cotisations salariales par application de la loi Tepa du 21 août 2007, les frais de déplacement professionnel non justifiés, les charges exceptionnelles, etc.
Pour bien s’y préparer, il importe de connaître les différentes étapes des contrôles URSSAF.
Les acteurs du contrôle
On distingue principalement trois acteurs : l’ACOSS, les URSSAF et les vérificateurs. L’agence centrale est un établissement public à caractère administratif dont la mission principale consiste à assurer la gestion commune de la trésorerie des différents risques (art. L.225-1 du code de la sécurité sociale).
Organismes privés assurant la gestion d’un service public, les URSSAF sont chargées du recouvrement de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) dont l’assiette est plus étendue que celle des cotisations. Elles constituent autant de personnes morales distinctes, de sorte que la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF de la Vienne n’engage pas la commission de recours amiable de l’URSSAF de l’Indre, quand bien même les demandes examinées auraient le même objet et la même cause.[1]
Contrairement au droit fiscal, le cotisant contrôlé ne pourra donc pas opposer à l’URSSAF la doctrine administrative.
Enfin, la vérification des cotisations et contributions est réalisée soit par des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales, ce qui est rare en pratique, soit par des inspecteurs des URSSAF, agréés par le directeur régional de la sécurité sociale, après une période probatoire.
Les différents types de contrôle
Il existe trois types de contrôle : le contrôle sur pièces (s’agissant des employeurs de moins de 11 salariés), le contrôle par échantillonnage (s’agissant des grandes entreprises, d’après l’ACOSS) et le contrôle sur place.
Dans la pratique actuelle, les inspecteurs du recouvrement privilégient le contrôle sur place, en ce qui concerne les hôpitaux. Il est toutefois possible d’imaginer que, le jour où certains groupements hospitaliers de territoire de plus 15.000 agents, par exemple, fusionneront pour ne former qu’une seule personne morale, les URSSAF n’excluront pas de procéder à un contrôle par échantillonnage.[2]
Sauf en cas de travail dissimulé, tout contrôle est précédé d’un envoi, par l’organisme chargé du recouvrement des cotisations, d’un avis adressé à l’établissement employeur, par application combinée des articles L.243-7 et R.243-59 du code de la sécurité sociale. Il s’agit d’une formalité substantielle en l’absence de laquelle la procédure de contrôle est entachée de nullité.[3]
Cet avis de contrôle doit obligatoirement communiquer la « charte du cotisant contrôlé », en tant que telle ou bien l’adresse électronique à laquelle elle peut être consultée. L’avis doit en outre mentionner la possibilité pour l’établissement cotisant de se faire assister d’un conseil. L’absence d’une seule de ces mentions fait encourir la nullité de la procédure de contrôle.[4]
En pratique, les organismes de recouvrement saisissent cette occasion pour indiquer dans le document la liste des pièces à préparer pour la vérification (les documents administratifs et juridiques tels que l’organigramme de la structure, le registre des délibérations, le registre unique du personnel, les documents sociaux tels que les notes internes et manuels de procédures de l’élaboration de la paie, le paramétrage des logiciels de paie, liste et codification des rubriques de paie, la justification de l’évaluation des avantages en nature décomptés, notamment en ce qui concerne les véhicules, les logements, etc., et les documents comptables et financiers tels que les rapports de la chambre régionale des comptes, les pièces justificatives des frais de déplacements, etc.).
Si, en vertu de l’article R.243-59, alinéa 2 du code de la sécurité sociale, les employeurs sont « tenus de présenter » aux agents du contrôle tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle, cette « présentation » doit avoir lieu dans les locaux de l’établissement et l’inspecteur ne peut pas emporter les documents à consulter sans qu’un inventaire soit dressé et qu’une décharge en soit donnée par l’employeur, sauf dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé.
Une telle irrégularité est sanctionnée par la nullité du contrôle et du redressement subséquent.[5]
Par commodité, les inspecteurs ont de plus en plus tendance à demander une copie des données comptables sur clé USB.
Or, demander la communication de documents par e-mail ou dupliquer des documents informatiques sur clé afin que les données soient traitées dans les locaux de l’URSSAF revient à transformer un contrôle sur place en contrôle sur pièces. En outre, l’analyse des documents doit être menée contradictoirement. Comment le principe du contradictoire peut-il être respecté dès lors que le cotisant est absent lors de la vérification ?
Curieusement, la jurisprudence ne se prononce pas sur ce point.
Les conséquences du contrôle
Ces conséquences sont de deux ordres, vis-à-vis des autres administrations et vis-à-vis du cotisant.
Pour ce qui concerne les autres administrations, les inspecteurs communiquent au fisc les infractions relevées en ce qui concerne l’application des lois et règlements relatifs aux impôts et taxes en vigueur (art. L.99 du livre des procédures fiscales) et réciproquement (art. L.152 du même code). Il en est de même vis-à-vis de l’inspection du travail, notamment en cas de constatation par les inspecteurs de l’absence de livre de paie.
Toutes ces dérogations au secret professionnel, auquel les inspecteurs sont tenus (art. L.243-9 du CSS), sont prévues par la loi.
Pour ce qui concerne le cotisant lui-même, l’article L.243-12-4 dispose qu’il ne peut être procédé une nouvelle fois à un contrôle portant, pour une même période, sur les points de la législation applicable ayant déjà fait l’objet d’une vérification, sauf en cas de réponses incomplètes ou inexactes, de fraude, de travail dissimulé ou sur demande de l’autorité judiciaire.
L’issue du contrôle
L’achèvement du contrôle se concrétise par deux scénarios : l’absence de redressement ou bien la notification d’un redressement.
Même en l’absence de redressement, l’URSSAF peut être conduite à formuler des « observations pour l’avenir », assorties d’une demande de mise en conformité. En pratique, la situation du cotisant est critiquable mais elle ne donne pas encore lieu à un redressement.
Lorsque l’URSSAF envisage un redressement, elle doit alors respecter une procédure contradictoire qui se déroule en plusieurs étapes.
Les inspecteurs ont l’obligation d’adresser leurs observations au cotisant, sans toutefois être soumis à un délai pour cet envoi. Il sera toutefois de l’intérêt de l’organisme de faire parvenir ses observations le plus rapidement possible après le contrôle, afin de raccourcir le délai de reprise. Cette lettre d’observation doit pratiquement indiquer le mode de calcul, le montant des redressements envisagés et le montant des assiettes correspondant.
L’article R.243-59, III, du code de la sécurité sociale impose que la lettre d’observations soit datée et signée par chacun des agents chargés du contrôle qui y a personnellement procédé. Cette formalité, qui permet de vérifier que l’auteur de la lettre d’observations était bien un inspecteur du recouvrement habilité à procéder à l’opération, présente un caractère substantiel, si bien que son inobservation entache de nullité l’opération de contrôle, ainsi que les redressements et la mise en demeure subséquents.[6]
L’omission de toute réponse de l’employeur aux observations de l’URSSAF demeure sans incidence sur la suite de la procédure. Contrairement à la procédure fiscale, son silence ne peut équivaloir à un acquiescement et une mise en demeure envoyée prématurément, c’est-à-dire pendant cet intervalle, ne peut qu’être déclarée nulle.[7]
D’ores et déjà, quelques points de vigilance apparaissent, qui peuvent se résumer aux interrogations suivantes :
À qui a été envoyé l’avis de contrôle ? Où s’est déroulé le contrôle ? Comment est rédigée la lettre d’avis de contrôle ? Le contrôle a-t-il commencé à la date indiquée sur l’avis de contrôle ? S’il y a plusieurs inspecteurs, ont-ils tous signé la lettre d’observations ? Les inspecteurs ont-ils emporté des documents et selon quelles modalités ? L’inspecteur a-t-il demandé un envoi de pièces ? La lettre d’observations est-elle suffisamment motivée ? La réponse par l’URSSAF aux observations de l’établissement traite-t-elle de tous les points indiqués et est-elle suffisamment circonstanciée ?
Les suites du contrôle
Si l’URSSAF n’est pas convaincue par la réponse de l’établissement, elle lui adresse alors une mise en demeure, par lettre recommandée (art. L.244-2 du CSS).
Cette mise en demeure n’est pas un acte de procédure, selon la Cour de cassation. Il s’agit d’une « invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti ».[8] Il en résulte que ce document n’est soumis à aucun formalisme particulier.[9]
L’absence de signature n’en affecte pas sa validité puisqu’elle n’est pas exigée à peine de nullité de l’acte émis. Est valable une mise en demeure faisant référence à la date et à la lettre d’observations avec la mention des différentes périodes annuelles vérifiées et le montant réclamé.
En revanche, une mise en demeure délivrée par une URSSAF qui ne mentionne pas le délai imparti au cotisant pour régulariser sa situation est nulle.[10]
Une fois la mise en demeure reçue, l’établissement cotisant dispose de plusieurs options : soit il s’abstient de contester et formule uniquement une demande de sursis à poursuites ou de réduction des majorations de retard, soit il conteste le redressement opéré, soit enfin, il ne fait rien, obligeant l’organisme à mettre en œuvre la procédure de recouvrement.
Dans le cas de la contestation, l’établissement devra saisir la commission de recours amiable, par la voie gracieuse (art. R.142-1 du CSS) avant de se tourner vers le pôle social du tribunal de grande instance compétent. Entre-temps, l’URSSAF a la possibilité d’émettre une contrainte mais nous savons qu’elle est inefficace à l’encontre des personnes morales de droit public, en raison du principe d’immunité d’exécution, prévu aux articles L.1 et L.2711-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Pour qu’il soit le moins douloureux possible, le contrôle URSSAF requiert un certain niveau de préparation et d’accompagnement.
[1] CA Orléans, 22 juin 2011, n°10/02295 ; CA Orléans, 22 juin 2011, n°10/02294 ; CA Rennes, 9 mars 2011, n°09/00705 ; CA Douai, 12 avril 2013, n°11/00527 : la position d’une URSSAF est insusceptible d’engager les autres.
[2] Toutefois, la Cour de cassation a précisé que cette vérification par échantillonnage et extrapolation n’était pas réservée au contrôle des grandes entreprises et avait vocation à s’appliquer, quel que soit l’effectif (Cass. civ. 2ème, 9 février 2017, n°16-10971.
[3] Cass. civ. 2ème, 10 juillet 2008, n°07-18152.
[4] Cass. civ. 2ème, 10 octobre 2013, n°12-26586 ; Cass. civ. 2ème, 18 septembre 2014, n°13-17084 ; CA Aix-en-Provence, 21 septembre 2016, RG n°15/11954 ; CA Aix-en-Provence, 8 février 2017, RG n°15/21878.
[5] CA Caen, 1er février 2013, RG n°10/01822.
[6] Par exemple : CA Rennes, 4 juin 2014, RG n°13/05008 ; CA Aix-en-Provence, 25 janvier 2017, RG n°16/04986.
[7] CA Amiens, 30 juin 2015, RG n°13/02622.
[8] Cass. soc., 19 mars 1992, Bull. civ. V., n°204 ; Cass. soc., 2 décembre 1993, Bull. civ. V., n°302.
[9] Cass. civ. 10 juin 1960, Bull. civ. II, n°369.
[10] TASS Bobigny, 23 juin 2017, RG n°16-01261/B et 16-00887/B. Cf. également Cass. civ. 2ème, 31 mai 2005, n°03-30658.
L’auteur
Me Omar YAHIA
SELARL YAHIA Avocats
Barreau de Paris