Le GHT – Groupement hospitalier de territoire – est décrit comme une convention… alors qu’il représente une entorse à ses règles élémentaires. Me Omar Yahia nous explique pourquoi.
Décrit par le projet de loi de modernisation de notre système de santé comme une convention, le Groupement hospitalier de territoire est présenté par ses promoteurs comme un moyen efficace de lutte contre les déserts médicaux, par l’élaboration d’un projet médical « partagé » entre les établissements publics de santé d’un même territoire.
Dans un monde juridique idéal, une convention suppose des parties signataires, un objet, des modalités d’exécution et des conditions de résiliation. Or, le GHT, objet juridique non identifié et dont la finalité est de remplacer les Communautés hospitalières de territoire, représente à lui seul une entorse aux règles élémentaires d’une convention.
Les parties signataires : un choix orienté
Seuls les établissements publics de santé peuvent être membres du GHT, la loi excluant les établissements privés qui « bénéficient du statut d’établissement partenaire » (art. L. 6132-1, III du Code de la santé publique – CSP). En pratique, cette dichotomie membre/partenaire risque de compliquer les coopérations territoriales que le projet de loi s’est pourtant donné pour mission de promouvoir. À cette distinction, il convient d’ajouter la notion d’« établissement support », désignée dans la convention constitutive. Il s’agit d’une expression inédite empruntée au vocabulaire courant. Alors que la liberté contractuelle gouverne le droit général des conventions, point de liberté en GHT. Les établissements publics de santé sont sommés de conclure d’ici au 1er janvier 2016.
L’objet : transfert de compétences ou délégation ?
L’approche « Canada Dry » du rédacteur du texte de loi ne manque pas d’étonner : le GHT ressemble à un groupement, il en a le goût et l’odeur, mais ce n’est pas un groupement, pour la simple raison qu’il est dépourvu de personnalité morale (art. L. 6132-1, I CSP), à la différence des Groupements de coopération sanitaire.
Son objet reste nébuleux dès lors que le projet de loi se borne à évoquer « la mise en oeuvre d’une stratégie commune ».
Les modalités d’exécution : une mutualisation à marche forcée
Avant le 1er janvier 2016, chaque établissement public de santé devra avoir adhéré à un GHT mais, selon une députée de l’opposition, « installer un GHT en quelques mois relève de l’utopie ». Il n’en demeure pas moins que l’établissement support devra assurer, pour le compte des établissements membres :
- La gestion d’un SIH convergent ;
- La gestion d’un DIM unique ;
- La fonction Achats ;
- La formation initiale des professionnels médicaux.
Les deux premières occurrences ne manqueront pas d’attirer l’attention des lecteurs en ce que cette nouvelle mission pose de redoutables questions. Quels seraient les équipements mis à disposition des établissements supports ? Qu’en serat- il des licences d’utilisation de logiciels ? Quid du régime juridique de partage et d’hébergement de données ? Quel sera le sort des médecins DIM des autres établissements publics membres ? L’absence de Programme de médicalisation des SI dans les établissements membres les mettra-t-elle à l’abri de tout contrôle de l’assurance maladie ? Qui sera responsable en cas d’erreur de codage ou de manquement aux règles de facturation ?
Plus encore, un SIH convergent et un DIM unique imposent préalablement une gouvernance à l’échelon d’un territoire donné. La faisabilité technique dans des délais si courts apparaît illusoire.
Il n’est pas certain que l’établissement support accepte au surplus d’endosser tous les risques juridiques induits par ce mécanisme au profit des établissements membres du GHT.
Les conditions de résiliation : il n’y en a pas !
Le rédacteur du projet de loi n’a pas jugé utile de prévoir de modalités de résiliation de la convention de GHT, lesquelles modalités ne sont pas même renvoyées à un décret en Conseil d’État.
Il ne peut s’agir d’une omission. L’absence de modalités de sortie de cette convention signifie sans doute que les GHT ne représentent que le prélude d’une fusion prochaine des établissements publics de santé dans un territoire donné, dans le cadre du parcours de soins du patient.
En conclusion (provisoire), ce projet serait cohérent avec la récente adoption de la carte de France à 13 régions, réforme qui entrera en vigueur au début de l’année 2016, annonçant la création de 13 « Superagences régionales de santé ».
■ Cet article est initialement paru dans le numéro 15 de DSIH
L’auteur
Me Omar YAHIA
SELARL YAHIA Avocats
Barreau de Paris