Le transport des victimes entre le lieu du sinistre et l’hôpital constitue une évacuation à la charge du SDIS. Celui-ci ne peut donc prétendre être un collaborateur occasionnel du service public hospitalier, lequel ne bénéficie pas non plus d’un enrichissement sans cause du fait des transports d’urgence opérés par les pompiers.
Certains de nos lecteurs connaissent bien le différend opposant les SDIS aux établissements de santé sièges de SMUR. Rappelons en résumé qu’une des missions du SDIS consiste dans son concours à l’aide médicale urgente.
Les VSAV du SDIS opèrent ainsi le transport de victimes vers l’hôpital, à la demande du médecin régulateur du SAMU, notamment à la suite de leur intervention de secours sur les lieux du sinistre.
Considérant que ce type de transport n’entrait pas dans ses missions définies par les articles L.1424-2 et L.1424-42 du CGCT, certains SDIS ont voté leur facturation aux centres hospitaliers sièges de SAMU, estimant que ces derniers étaient des bénéficiaires de leur intervention au sens de l’article L.1424-42 alinéa 2 précité.
Le refus de payer de certains établissements a fait naître un contentieux soumis au juge administratif.
Ces derniers mois, plusieurs juridictions de première instance ont rejeté la position défendue par les SDIS considérant que :
« Les interventions d’urgence en litige, qui font suite à des prises en charge médicales sur place par un médecin du SMUR, récapitulées dans les tableaux joints à chaque titre de recettes contesté, constituent des transports sanitaires, y compris lorsqu’elles font suite à un départ réflexe. De telles prestations de transports s’inscrivant dans le processus de coordination de la prise en charge du patient placé sous l’autorité du médecin régulateur du SAMU doivent être regardées comme le prolongement des missions de secours d’urgence aux personnes victimes d’accident, de sinistre ou de catastrophes, prévues à l’article L.1424-2 du code général des collectivités territoriales, qui sont normalement dévolues aux SDIS, quelle que soit par ailleurs la gravité de l’état de la personne secourues. »
Le Conseil d’État a également très récemment jugé en ce sens que :
« Lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de » départ réflexe », laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l’évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d’assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l’état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d’urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues.
La circonstance que la structure mobile d’urgence et de réanimation soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du » centre 15 » pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d’assurer l’évacuation de la personne qu’il a secourue vers un établissement de santé. Il en résulte qu’en jugeant que les circonstances de l’arrivée des secours d’urgence sur les lieux sont sans incidence sur le fait que le coût du transport dit » de jonction » jusqu’au CHU réalisé avec les moyens du SDIS incombe à l’établissement hospitalier, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. » (CE, 30 décembre 2021, CHU de Bordeaux c. SDIS de la Gironde, n°443335, mentionné dans les tables).
Conscients que les titres de recettes émis risquaient d’être annulés, les SDIS ont cherché à engager la responsabilité des établissements de santé prétendant agir en qualité de collaborateurs occasionnels du service public, d’une part, et sur le fondement de l’enrichissement sans cause, d’autre part.
Par une série de jugements du 22 décembre 2021, ces requêtes ont été rejetées par le Tribunal administratif de Lille.
Après avoir rappelé que ces évacuations de victimes « doivent être regardées comme le prolongement des missions de secours d’urgence (..) qui sont normalement dévolues au SDIS, quelle que soit la gravité de l’état des personnes secourues et alors même que le transport médicalisé aurait pu être assuré dans des conditions analogues par une SMUR (…) », la juridiction a en effet considéré qu’il ne pouvait donc se prévaloir du statut de collaborateur occasionnel du service public.
Elle a ajouté qu’il ne résulte pas de l’article D.162-6 2°j du CSP relatif au financement de l’aide médicale urgente par la MIGAC, que les transports opérés par les pompiers à la demande du SAMU seraient financés par ladite dotation, et qu’en conséquence, l’enrichissement sans cause de l’hôpital n’est pas établi.
Enfin, le tribunal retient que dans la mesure où ces transports relèvent des missions du SDIS, il doit en supporter la charge financière et ne peut donc être considéré comme « s’étant appauvri, alors même que le montant facturé n’excèderait pas le coût réelle de son intervention ».
Reste à savoir si la modification de l’article L.1424-42 du CSP apportée par la loi n°2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre (sic !) modèle de sécurité civile changera la donne…
L’auteure
Me Emmanuelle PELETINGEAS
Avocat associé chez YAHIA Avocats